Devenu maire de sa ville natale depuis deux ans, le quinquagénaire nourrit aujourd’hui le rêve de présider aux destinées de son pays qu’il a servi pendant plus de deux décennies dans les régies financières.
Plus connu sous le nom de Mame Boye Diao, en référence à son grand-père dont il porte les prénoms, El Hadji Mamadou Diao est l’un des trois inspecteurs des impôts et domaines, avec Bassirou Diomaye Faye et Amadou Ba, à faire partie de la liste officielle des 19 candidats à l’élection présidentielle du 24 mars prochain. Après un long militantisme dans la coalition au pouvoir, le maire de Kolda (sud), 54 ans, a claqué la porte en septembre 2023 après que le président Macky Sall a désigné l’ancien Premier ministre Amadou Ba pour être le candidat de Benno Bokk Yakaar (unis pour un même espoir).
Cette attitude témoigne de l’ambition gigantesque du leader de la coalition Diao 2024, précédemment coalition « pour un Sénégal nouveau », pour son pays. En effet, l’ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a concocté un programme présidentiel d’une trentaine de pages dans lequel il dit vouloir « poursuivre nos rêves et bâtir le +Sénégal qui vient+ », en référence à un livre-programme du même nom qu’il a récemment publié.
Sa vision politique s’appuie essentiellement sur le concept de « l’autonomie stratégique » parce que pour lui « on ne peut compter que sur soi-même pour se développer ». Une fois élu donc, sa première priorité sera de « préserver nos actifs stratégiques » dans le pétrole et le gaz, les ressources minières, l’énergie, l’artisanat, les entreprises nationales tout en répondant aux défis de la transformation numérique, du foncier, de la culture etc.
Alors que le Sénégal s’apprête à devenir un pays producteur d’hydrocarbures, El Hadji Mamadou Diao entend mener de nombreuses réformes pour faire bénéficier à son pays une importante partie de la manne pétrogazière à récolter. « Les ressources en gaz du Sénégal sont estimées à 1120 milliards de m3 pour 4 gisements dont l’un (Grand Tortue Ameyim, d’une capacité de 560 milliards de m3) en cogestion avec la Mauritanie. Pour le pétrole, elles sont de 1030 millions de barils sur 4 gisements en cours d’exploitation », rappelle l’ancien étudiant de l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis où il a décroché en 1996 une maîtrise en sciences politiques, option relations internationales, avant de réussir deux années plus tard au prestigieux concours de l’Ecole normale d’administration (Ena).
Énergie, sécurité alimentaire, industrialisation…
Dans ses actions prioritaires pour les hydrocarbures, l’ancien directeur des Domaines promet de séparer les investissements nationaux du Fonds Souverain d’investissements stratégiques (FONSIS) de sa gestion tirée du secteur extractif, créer une nouvelle usine de raffinage du pétrole plus moderne et plus performante et assurer une gestion participative et inclusive des ressources naturelles…
Pour permettre à tous les Sénégalais d’avoir accès à l’électricité, M. Diao propose de faire la « cartographie énergétique » afin d’identifier les spécificités et les besoins de chaque zone. Des stratégies de production électrique seront notamment développées en fonction des régions et des sources prioritaires disponibles, a-t-il indiqué, précisant que la cartographie minière montre que la zone centre et le nord du pays sont « très riches en phosphate chaux ». Les conditions climatiques permettent d’encourager l’énergie photovoltaïque grâce à un fort ensoleillement, a-t-il également relevé.
Pour les secteurs de l’industrie et du commerce, le maire de Kolda, l’une des plus importantes villes de la région naturelle de la Casamance, s’engage à créer un régime incitatif pour les multinationales qui veulent s’installer au Sénégal et un fonds d’impulsion dédié à l’industrie nationale pour les domaines spécifiques à la transformation agricole et halieutique tout en s’attelant à la régionalisation des politiques industrielles selon les spécificités. Il se dit aussi prêt à définir une politique de développement d’une industrie de transformation par des outils d’automatisation et de production à grande échelle pour l’artisanat sénégalais qui, « avec plus de 150 métiers, est un réservoir d’emploi et de savoir-faire ».
Pour sa deuxième priorité en tant que président de la République, Mame Boye Diao promet d’assurer une sécurité et une souveraineté alimentaire dans un pays où « l’agriculture occupe plus de 60% de la population active » mais qui peine à se nourrir convenablement. Pour ce faire, il entend créer un fonds pour la recherche agricole avec le renforcement considérable des moyens des centres de recherches et d’expérimentations, le renforcement du « Bay Nawet Bay Noor » (culture annuelle) en augmentant et diversifiant les spéculations (cultures) avant de procéder à la suppression du bail agricole au profit du bail agro-industriel.
Secteur primaire fort, innovation technologique…
Face aux nombreuses plaintes dans le secteur de la pêche, le président de la coalition Diao 2024 propose de définir un quota de licences de pêche à attribuer aux pêcheurs artisanaux. Il renforcera aussi les capacités avec la création d’une école de métier de la pêche et veillera à l’application rigoureuse du repos biologique. Pour l’élevage, qui contribue en moyenne pour 28,5% à la valeur ajoutée du secteur primaire et 4,3% au Produit intérieur brut (PIB), ses interventions porteront sur la création, la modernisation et le renforcement d’espace et de structures dédiées à l’élevage. Il promet d’accentuer aussi la transformation structurelle de la chaîne de valeur d’élevage pour une autosuffisance en viande (ruminant et volaille).
La troisième priorité de gouvernance d’El Hadji Mamadou Diao portera sur « l’innovation et la réforme sociétale ». « Dans un monde où l’innovation technologique semble déferler à une vitesse vertigineuse, une démarche introspective est nécessaire », affirme le leader de la coalition Diao 2024, indiquant que la réforme « désigne le changement de caractère profond, radical apporté à quelque chose, en particulier à une institution, et visant à améliorer son fonctionnement ».
Face aux problèmes d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, M. Diao s’engage à investir plus de 500 milliards de francs CFA par an. Ce financement sera mis à profit pour, entre autres actions prioritaires, construire des puits, des forages et d’infrastructures de traitement d’eau, ainsi que de réhabiliter et d’entretenir des ouvrages existants et mettre en œuvre des projets visant à améliorer les systèmes d’assainissement, y compris la construction de stations d’épuration, collecter et traiter les eaux usées.
Réconcilier les Sénégalais
Les actions de l’inspecteur des impôts sur la fiscalité et gestion de la dette publique seront concentrées, s’il est élu, à l’accroissement de la contribution des recettes fiscales sur le budget de l’Etat, l’élargissement de l’assiette fiscale, la réduction de la pression fiscale, des évasions fiscales et de certaines exonérations régressives et faciliter les échanges pour optimiser l’assiette douanière.
La quatrième et dernière priorité programmatique du candidat El Hadji Mamadou Diao concerne la « bonne gouvernance et la réconciliation sociale » étant donné que le pays a été fracturé ces trois dernières années par de violentes tensions sociopolitiques. Pour lui, ces deux notions « sont des éléments clés pour le développement d’un pays » alors que la majorité parlementaire du chef de l’Etat sortant, Macky Sall, a voté il y a une dizaine de jours un projet de loi d’amnistie pour effacer les infractions criminelles et correctionnelles intervenues entre 2021 et 2023 commises dans le cadre de manifestations politiques inhérentes aux problèmes politico-judiciaires du célèbre opposant Ousmane Sonko.
Les actions prioritaires dans cet axe prioritaire constitueront à « réconcilier les Sénégalais », promouvoir la solidarité nationale et instaurer intégralement la carte d’égalité des chances et renforcer le fonds de solidarité nationale tout en automatisant les procédures judiciaires et administratives de l’Etat, a souligné M. Diao, qui revendique son amitié avec Ousmane Sonko, le maire de Ziguinchor (sud) élargi jeudi soir de prison en compagnie de son candidat Bassirou Diomaye Faye.
ODL/ac/APA